Les 3 principes des organisations qui font du changement une force

Il y a un sentiment très paradoxal qui apparait avec le retour au bureau. On se retrouve, on se voit plus, mais le collectif parait plus fragile.

Dans ce post, je partage mon avis sur cette transition. Et je propose 3 principes qui devraient devenir des socles des organisations en transformation.

Préambule

Ce que l'organisation est capable de faire sous la contrainte

Pendant 1 an, nous avons été capables d'adaptations à tous les niveaux de l'organisation.

L'obligation de télétravail s'est imposée à tous de la même façon. Et, des choses extra-ordinaires se sont passées : la confiance est apparue comme par magie, les propositions de changement ont été écoutées et reçues comme des opportunités, l'intérêt commun a prédominé et effacé les guerres de clochers entre services.

Malgré de fortes contraintes extérieures, le résultat est que les organisations ont su mettre en place des choses inimaginables pour elles des semaines plus tôt : des nouvelles pratiques, nouveaux modes de fonctionnements, des nouveaux outils.

Par dessus tout, tout le monde a compris, adhéré aux décisions... mêmes radicales.

Pourquoi sommes-nous (in)capables de changer ?

Capables

Quand apparait une contrainte extérieure avec un fort enjeu et un rapport de force élevé, nous sommes capables de trouver des solutions à tous les problèmes même si la situation est complexe.

En revanche, dès que cette contrainte disparait, tout devient plus compliqué.

La réalité est que cette petite voix dans notre tête qui nous dit habituellement que "ça n'est pas possible" est complètement inhibée lorsque la contrainte extérieure apparait. *

Un petit schéma pour vous aider à comprendre... non... en vérité, j'avais besoin de le faire pour clarifier mes pensées :) **

Incapables

Habituellement, hors période de crises, chacun observe un changement avec ses croyances et ses peurs. Et plutôt que de guider ses peurs, on va se faire guider par elles.

Et cela amène de longs arguments (ou excuses) pour forcer (ou bloquer) le changement.

Des exemples ?

Nos réactions et les décisions sont bien différentes en temps "normal".

Lorsqu'on laisse ce genre de débats arriver, les conflits d'intérêts apparaissent, on se méfie de ce que pensent les autres, et les changements sont perçus comme des menaces.

C'est ainsi que pendant de nombreuses années, rien ne bouge, ou alors à la marge. Et quand on se décide à changer, c'est à travers des réorganisations chaotiques.

Pire, parfois, les décisions sont courageuses mais elles ne sont pas adoptées parce que chacun à son niveau va activer ses croyances et ses peurs pour ne pas avoir à adopter ce changement.

L'annonce du "retour à la normale" sonne comme le clairon de l'inconscience.

Retour à la normale ⇒ Retour aux fonctions inutiles du cerveau ⇒ Retour à l'inconscience collective ⇒ Retour au statu quo.

Les 3 principes des organisations qui font du changement une force

Ce qui résonne dans les organisations qui réussissent à se transformer en dehors de toute crise, ça n'est pas de décider du nombre de jours de télétravail, ça n'est pas d'avoir installé des outils, ça n'est pas d'avoir mis en place des nouvelles pratiques. C'est pourtant souvent ce qu'elles partagent sur les réseaux sociaux ou dans les webinaires. Or, ces acquis sont les conséquences d'une attitude ancrée en elles, dont elles n'ont pas toujours conscience elles-mêmes.

Ce qui résonne en elles c'est qu'elles vivent le changement de manière régulière et fréquente.

Elles font appel à 3 principes qui sont interdépendants.

  1. S'appuyer sur l'expérience plutôt que sur ses croyances
  2. Faire appel à l'intelligence collective plutôt que de faire appel à des responsables
  3. Se poser les bonnes questions avant d'aller à la solution

Prenons l'exemple du télétravail :

1. S'appuyer sur l'expérience plutôt que sur ses croyances

Lorsque je rencontre quelqu'un qui est pour le télétravail (pour au moins 2 jours/semaine) et qui était contre avant (l'immense majorité d'entre nous), je lui pose cette question : "qu'est-ce qui aurait pu te faire changer d'avis ?". La réponse est unanime : "rien, à part ce qu'on a été obligé de vivre".

La crise nous a obligé à expérimenter de manière intense le télétravail et l'organisation du travail à distance. Il aurait fallu 10 ans à certaines organisations pour faire ce premier pas. Rien que ça, il faut se poser quelques questions existentielles sur notre ignorance d'hier... qui aurait pu être révélée par une expérimentation volontariste.

J'ai beaucoup d'admiration pour toutes les organisations qui ont expérimenté le télétravail intensif avant le covid. C'est elles qu'il faut regarder, pas celles qui n'ont fait "que" réagir à la crise.

On peut se nourrir aussi d'expériences des autres. Je préfère lire le retour d'expérience de Welcome to the jungle sur la semaine de 4 jours *** plutôt que des bouquins de sociologues, philosophes sur ce thème. Le terrain, d'abord le terrain !

Il faut également se méfier des études. Elles sont très souvent biaisées. C'est très difficile de ne pas les orienter, car il y a souvent un parti pris de l'organisme qui l'a conçu.

Et puis, je dirais que nous sommes à la ramasse au niveau expérimentation en France.

Dans un pays anglosaxon, un manager qui a envie de tester un outil avec une équipe (prenons Trello, un outil de gestion de tâche à 9€/mois/utilisateur), il décide lui-même. Même si son employeur est une banque.

En France, un manager va devoir faire une demande d'achat. Qui lui sera refusée par la direction Achat qui contrôle les investissements, refusée par la DSI qui demande à ce qu'on utilise ses outils et qui protège les données confidentielles et personnelles, refusée par la DRH qui veille à la déconnexion. Je ne caricature pas car c'est l'essence du responsable de gérer les risques. A qui profite les opportunités ? Directement aux managers et collaborateurs. Or le système de décision laisse trop souvent la place au pessimisme.

Les organisations qui contrent ça disent "oui, tu trouves ça intéressant pour toi ? ok, fais le et prends soin de ces points là et nous ferons un bilan dans 3 mois". Décision : 5 minutes ! Accepter toute expérimentation et tirer des conclusions après, feront gagner des k€ de réunions de réflexion qui n'aboutissent à rien.

2. Faire appel à l'intelligence collective plutôt que de faire appel à des responsables

L'intelligence collective, ça n'est pas de convenir avec la direction, le CHSCT et les représentants du personnel du nombre de jours de télétravail adéquat.

L'intelligence collective, c'est de permettre à chacun de contribuer de manière égale, quelque soit son rang.

En terme d'organisation du travail, les premiers concernés ne sont pas les personnes citées ci-dessus (qui ont des fonctionnements "ad hoc").

Les premiers concernés sont les managers et collaborateurs.

La décision des directions d'imposer un cadre de télétravail aux managers sans tenir compte des métiers, contraintes et aspirations des équipes est caractéristique des organisations qui n'ont pas encore opté pour ce chemin.

Le piège est de faire un embryon d'intelligence collectif comme :

C'est très bien mais pas complet. Il faut que l'intelligence collective transpire au quotidien. Et c'est assez clair lorsqu'on écoute les organisations qui se transforment. Il y a des rituels, des suivis, des groupes de travail, des rôles, un cadre de décision qui donne la possibilité à chacun de contribuer et de faire partie du changement (et non pas le subir).

3. Se poser les bonnes questions avant d'aller à la solution

Que se passe-t-il lorsqu'on décide un changement d'organisation ?

Face à un changement, 4 types de profils se présentent :

Face à une décision de changement, il est naturel de la questionner (la décision est-elle bonne ? ont-ils pris en compte cette situation ? quel est le but derrière cette décision ?). Ces questions, bien que naturelles, sont nuisibles au changement. Elles amènent à faire des suggestions, à se méfier des intentions cachées, finalement à refaire le débat (à la fameuse machine à café).

On risque finalement de passer plus de temps à justifier les décisions... qui ne seront pas acceptées par principe.

Le contestataire prend de la place et son avis influence d'autres personnes (suiveur ou observateur).

L'engagement n'est pas génial car trop minoritaire.

Que se passe-t-il lorsqu'on commence par poser des questions ?

D'abord, il offre l'espace à chacun de prendre du recul. Le dirigeant peut se poser autant de questions intelligentes, si il est seul à avoir compris pourquoi il faut changer, il va se retrouver en face d'un mur d'incompréhensions.

Les questions sont comme des repères. des guides pour que chacun puisse prendre conscience de ce qu'il pense réellement.

Lorsqu'on propose le questionnement, on accepte que les réponses soient diverses. On se met dans une posture qui oblige à se mettre à la place des autres et qui accueille des avis différents des siens.

Cela permet de s'affranchir de ses propres biais et de challenger ses propres croyances.

Le questionnement est aussi mon meilleur outil pour identifier et court-circuiter les saboteurs. Vous avez certainement en tête des attitudes manipulatrices de ceux qui savent tout après coup et commentent à charge les décisions. Si des personnes choisissent de se taire pendant le questionnement pour s'agiter après la décision, elles sont en flagrant délit de sabotage.

Les questions éveillent la conscience et transforment les personnes en acteur du changement

Il est sage de considérer qu'on doit questionner très régulièrement son organisation pour prendre du recul.

Tous les pans de l'organisation vont être remis en cause avec la distance : les locaux, le recrutement, l'esprit d'équipe, le management, les outils, la relation client... et si on veut maitriser la distance, de nouveaux champs apparaissent tels que la communication formelle, l'asynchrone,...

Faire croire aux équipes que le dirigeant a les bonnes réponses est une impasse.

Les vrais leaders posent les bonnes questions plutôt que de donner des bonnes réponses

L'organisation pensée sur la vérité du jour n'est pas prête pour demain. Les mentalités, les attentes, les pratiques changent très vite. Se questionner régulièrement et s'ouvrir à de nouvelles questions est le signe qu'on accepte que l'organisation est parfaitement imparfaite. 

La potion magique

Avec ces 3 principes, on court circuite ses croyances et ses peurs.

On les confronte à la réalité. On accepte les avis contradictoires. On accueille les peurs pour mieux les résorber. On aide ainsi à la prise de conscience de la situation par tous.

Ce chemin permet d'aller plus loin et plus sereinement dans les changements d'organisation.

Conclusion

A travers ces 3 principes, il y a une croyance :) celle que la meilleure solution vient de l'équipe.

La meilleure solution vient de l'équipe

Mais c'est une croyance que nous avons expérimenté à maintes reprises. Il ne faut pas essayer de transformer une équipe si elle n'est pas prête. Même si on est persuadés d'avoir raison, cela ne mène nulle part et est souvent contre productif. On peut agir en activant ces 3 principes. Il y a des rituels, des démarches et des outils qui peuvent soutenir cela. Selon la maturité et les besoins de l'équipe.

Je trouve que l'outil le plus intéressant est le questionnement parce qu'il alimente le besoin d'expérimenter et est le premier pas vers l'intelligence collective. Encore faut-il qu'il ne soit pas biaisé et qu'il soit diversifié, objectivable et actionnable.

Dans un prochain post, je m'essayerai à l'art de questionner le collectif 🎨

* Je conseille d'écouter Claire Stride, elle parle tellement bien des neurosciences. Son spectacle est top. "C'est décidé je deviens moins con !"

** Merci Benoit Coux pour l'inspiration ;)

*** Voir le retour d'expérience de Welcome to the Jungle sur la semaine de 4 jours

Guillaume Raverat

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